Au commande de cette comédie burlesque : un bouffon diabolique, incarné par le chef d’orchestre Luc Miglietta, et 3 comédiens, aux mimiques pince-sans-rire, qui se partagent le rôle d’Hamlet. Dès le 1er quart d’heure, le ton est donné. Une course poursuite entre les comédiens est lancée dans les rangs du public. C’est l’euphorie générale au sein des 320 personnes présentes ce soir-là, nos zygomatiques frôlent le claquage musculaire et chaque réplique est propulsée à la vitesse d’une Formule 1 sur une petite route de campagne.
Et la course ne fera que commencer car la compagnie va entrainer le public dans un véritable sprint littéraire. Une course contre la montre clownesque et déjantée qui ne cessera de monter en puissance tout au long du spectacle. Aucune trêve ne nous sera accordée. Après tout, Hamlet incarne une époque où l’on décapite plus vite que l’on gracie, l’heure n’est donc pas à la clémence…. Mais surtout, la compagnie trouve dans le public un partenaire de jeu qui stimule sans cesse sa créativité.
Au fil des minutes qui passent, voire même (re)-passent (ne vous fiez pas au titre du spectacle) les comédiens interagissent sans cesse avec le public, qui du simple fait de sa présence peut influencer le bon déroulement de la pièce. Le moindre imprévu, même minime, devient ainsi une formidable aubaine pour s’échapper du texte et improviser une tirade qui ne manque jamais sa cible.
Une petite fille traverse la scène pour rejoindre, en dandinant, son amie assise au 1er rang et Luc Miglietta s’arrête net pour entonner un « colchique dans les prés » qui fait mouche dans l’assistance.
Une femme est recrutée dans le public pour interpréter la mère d’Hamlet, et à la vue de son manteau de fourrure, un comédien lui adresse illico presto « Mamaaan….tu t’es encore acheté un vison… » simulant ironiquement un ton proche de l’exaspération.
Un scooter un peu bruyant passe à proximité de la scène et son conducteur se voit immédiatement intégrer à la distribution. Idem pour ce car scolaire, affrété spécialement pour le spectacle, dont la légère dorure de sa carrosserie leur inspire le titre de "Bus Royal"…noblesse oblige.
Personne, dans le public, ne reste indifférent à cette maîtrise de l’improvisation qui tombe toujours juste. En témoigne ces jeunes adolescents qui, venus en nombre, attendront patiemment leur tour, à la fin du spectacle, dans la longue queue formée devant les comédiens pour obtenir un autographe ; se remémorant avec enthousiasme les répliques qui deviendront certainement cultes demain dans la cour de récréation.
Bruiquicourt a donc conclu la saison 2011 des Mardis de Viva Cité avec succès et conquis l’ensemble du public sottevillais, toute génération confondue. Juste récompense pour ces comédiens qui s’évertuent à faire de chaque représentation un moment unique à partager avec le public. Et cerise sur le gâteau, le jeune auditoire, pour qui la cause de Shakespeare n’était probablement pas acquise à l’avance, connait désormais l’histoire d’Hamlet…
Photos : Sylvain Marchand